Pierre-Paul Matteï, directeur du design Peugeot au Soir d’Algérie

Rencontré en marge des essais presse internationaux de la nouvelle Peugeot 408, effectués dans la région de Catalogne en Espagne, Pierre-Paul Matteï, directeur du design Peugeot (Project Design Director), s’est livré au Soir d’Algérie.

– Comment est né le projet de création de ce véhicule au style complètement décalé ?
– Dès 2015 a germé au sein de la marque l’idée de compléter la gamme et de concevoir une berline internationale, plus moderne, différente et plus excitante.
La réflexion autour de cette thématique a donné lieu à un manifeste qui expliquerait ce que pourrait être cette berline alternative qui s’inscrirait entre la berline conventionnelle et le SUV, même si celle-ci reste génétiquement proche d’une berline.
Après cela, il aura fallu attendre deux années pour l’intégrer dans la gamme, la décrire techniquement et l’associer au programme P5 qui était en vigueur pour le remplacement de 308 et de 308 SW. Et c’est à partir de cette étape que les équipes techniques ont commencé le travail de conception de deux voitures en même temps, 308 et 408, et qui partagent plusieurs éléments techniques.

Peut-on dire que le constructeur avait son cahier des charges détaillant toutes ses attentes pour ce véhicule ?
Absolument, ce cahier des charges était très précis, en ce sens qu’on savait dès le départ quelle serait sa morphologie et que le manifeste nous avait permis de convaincre les décideurs de la légitimité de la voiture qui vient ainsi compléter la gamme et proposer sur le marché un produit fondamentalement nouveau qui créé l’alternative entre la berline conventionnelle qu’elle soit bi-corps ou tri-corps et le SUV ou encore le SUV coupé.
Avec ce véhicule au style inédit, on aurait tendance à penser qu’il serait aussi annonciateur d’une nouvelle page dans le design de la marque Peugeot…
Il est vrai que cette voiture a un traitement stylistique particulier par rapport à ce qu’on a l’habitude de faire, mais ce n’est pas tant porteur de changement dans le design de Peugeot. Néanmoins, c’est un véhicule qui tire son importance de l’originalité d’un style décalé qui lui était spécialement dédié. C’est dans cette optique que nous avons des lignes inhabituelles plus acérées et plus complexes, mais avec toujours cette volonté de garder une harmonie plus globale et qu’au final, elle aura l’élégance recherchée par Peugeot. C’est une voiture qui n’est pas dans une morphologie de berline classique. Elle affiche des volumes différents, la malle arrière se situe à 10 et 15 cm plus haut qu’une malle classique. J’ajouterai aussi que, typiquement, le découpage arrière des couleurs est très inhabituel sur une berline, avec un grand pare-choc arrière noir assumé.
Ce n’est pas juste un effet de style, mais c’est pour répondre, d’une part, au souci de robustesse, de solidité et de protection des éléments fragiles, et, d’autre part, casser visuellement les masses et atténuer l’impact d’un porte-à-faux assez significatif qui permet de disposer d’une plus grande capacité du coffre, d’où la hauteur inédite de la malle.
Ce sont autant de solutions stylistiques décalées pour un véhicule particulier mais qui n’ont pas vocation à être étendues automatiquement à d’autres modèles de la gamme.
Cette nouvelle Peugeot 408 semble avoir beaucoup plus une dimension internationale…
Oui, cette voiture a clairement une vocation mondiale. Elle était conçue dans un objectif «world wale», dans le sens où quel que soit le marché où elle sera vendue, elle sera rigoureusement la même, il n’y a pas d’adaptation possible, ni de changement d’empattement.

Peut-on parler de continuité entre le design extérieur et le design intérieur ?
Quand on a commencé le programme global concernant les deux 308, berline et SW, et 408, on savait d’ores et déjà que la voiture la plus décalée et la plus innovante serait la 408. Et quand on a demandé à nos équipes de style intérieur de dessiner la planche de bord, on ne leur a pas fait le brief de 308 mais celui de 408. C’est pour cela que nous avons anticipé la création du style intérieur de 408 en étant sûr qu’il sera compatible avec 308. C’est ce qui explique aussi le parti- pris fort du traité de la planche de bord qui est assez acérée avec l’intégration de l’écran central et plusieurs facettes de 308.

408 se distingue aussi par une habitabilité arrière et des espaces aux jambes aussi inédits que son style…
Effectivement, dans le cadre de la vocation internationale de la voiture et compte tenu aussi de ce fossé à combler entre une berline conventionnelle et un SUV, il était donc important d’avoir une voiture qui amène énormément de prestations, d’habitabilité et de volume de chargement. C’était clairement précisé dans le cahier des charges de la voiture. C’est ce qui justifie l’importance de l’empattement et de ses espaces de limousine à l’arrière. Il en est de même du dessin latéral de la cabine et du vitrage qui facilitent l’accessibilité.

Peut-on connaître l’utilité et la signification de ce que vous appelez les oreilles de chat ?
C’est un élément signalétique significatif de la voiture, c’est même une signature de cette nouvelle voiture. Il y avait clairement des velléités au niveau de l’expression stylistique d’amener des choses inhabituelles sur le pavillon, une zone qu’on n’a pas l’habitude de travailler. Et au-delà de cette volonté, il existe un souci de prestation. Avec la rallonge de l’empattement et le dessin fastback très incliné du toit, on s’est retrouvé avec une problématique liée aux charnières d’accroche du hayon proche des têtes des passagers. Il a fallu les sortir du volume intérieur de la voiture grâce à un traitement stylistique qui les intègre dans le dessin de la partie arrière du véhicule. Après cela, on s’en est servi pour canaliser le flux de l’air sur la partie la plus efficace de la malle.

Entretien réalisé par B. Bellil (Le Soir  d’Algérie)