jeudi 2 mai 2024
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Procès en appel du dossier de l’automobile: l’implacable réquisitoire du procureur

La stratégie de défense d’Ouyahia et Sellal n’a changé en rien le regard de la justice qui les auditionne en appel depuis dimanche dernier au tribunal d’Alger. Les deux anciens Premiers ministres se sont fait lourdement charger par le procureur de la République.
Les mots prononcés par le représentant du ministère public sont durs. Ce jeudi matin, ils résonnent déjà comme des sentences au niveau de la cour de la capitale où comparaissent les deux anciens chefs de gouvernement, deux anciens ministres de l’Industrie et des hommes d’affaires. Ouyahia et Sellal ont pourtant tenté de se disculper en se présentant comme de simples responsables chargés d’appliquer un programme et des décisions qui venaient directement de la présidence de la République.
Ni les appels à la comparution de Abdelaziz Bouteflika, ni les lourdes accusations portées à l’encontre de Abdeslam Bouchouareb, ancien ministre de l’Industrie, n’ont eu d’effet. Bouteflika n’a pas été convoqué, son frère, Saïd Bouteflika, présenté comme étant l’œil de son frère, pas sorti de sa prison de Blida comme en première instance, et Bouchouareb demeure, quant à lui, en fuite et condamné à vingt ans par contumace. Ni Ouyahia ni Sellal n’ont cependant été dans les détails. Aucune révélation de taille au sujet des directives reçues de la présidence. Face au juge, ils demeurent, par conséquent, entièrement et totalement responsables de leurs actes.
Dans son réquisitoire, le procureur commence par comparer les concessionnaires autos à des «gonfleurs de pneus», reprenant ainsi une expression populaire très en vogue au sujet de ces hommes d’affaires. Puis il en arrive à Ahmed Ouyahia qui a, dit-il, transformé la commission d’étude des dossiers d’investissements en commission agissant pour «les amis et les favorisés» dans un objectif de favoritisme et qu’il a prolongé la période de remise des dossiers.
Le procureur qualifie cet acte de «volontaire» tout comme l’acceptation de dossiers d’hommes d’affaires ne présentant pas les conditions requises pour un investissement. Le volet le plus important est relatif à la présence d’un partenaire étranger puisque les projets en question se déroulaient dans le cadre de l’investissement et du partenariat avec les étrangers. L’ancien Premier ministre, ajoute le procureur, a exempté d’impôts Ahmed Mazouz causant ainsi un préjudice de 77 milliards DA au Trésor public. Il a, d’autre part, confirmé la «fausse déclaration» d’Ahmed Ouyahia au sujet de la non-déclaration (aux enquêteurs et à la justice) de l’existence de comptes bancaires contenant au total 30 milliards de DA «dont la provenance n’a pas été justifiée par le concerné».
Le réquisitoire prononcé à l’encontre de Abdelmalek Sellal était aussi très fort. Selon le représentant du ministère public, l’ancien Premier ministre a «travaillé sur la base d’un cahier des charges contraire à la loi, il s’est rendu coupable d’abus de fonction durant la période où il assurait la présidence du Conseil d’investissement». Il a été aussi reconnu coupable d’avoir transmis «une instruction spéciale au wali de Boumerdès pour l’octroi d’un terrain agricole causant ainsi un préjudice de 24 millions 796 centimes au Trésor public».
Le procureur a également retenu à son encontre la charge de «conflit d’intérêts» en raison de l’association de son fils, Farès Sellal à l’homme d’affaires Mohamed Baïri (propriétaire du groupe IVAL) qui lui a remis onze milliards DA lorsqu’il a quitté l’entreprise. «Les enfants du peuple se jettent à la mer et se font harragas et son fils obtient gratuitement des bénéfices car son père est Premier ministre.» Abdelmalek Sellal a été également accusé de non-déclaration de patrimoine (une maison à Constantine et une Range Rover) et de contribution au financement occulte de la campagne pour le cinquième mandat de Abdelaziz Bouteflika.
Le cinquième jour du procès s’achève sur ces notes qui laissent peu de place au doute sur les verdicts qui seront prononcés durant cette semaine. Les peines prononcées durant cette même journée sont similaires à celles qui ont été prononcées en première instance par le tribunal de Sidi-M’hamed. Vingt ans requis à l’encontre des deux anciens chefs de gouvernement, quinze ans à l’encontre des deux anciens ministres de l’Industrie Youcef Yousfi et Mahdjoub Bedda. Dix ans ont été, en outre, requis à l’encontre de Abdelghani Zaâlane, ancien ministre des Transports, poursuivi dans l’affaire du financement occulte de la campagne pour le cinquième mandat, et Ali Haddad qui comparaissait pour les mêmes motifs. La même peine a été requise à l’encontre des hommes d’affaires Mohamed Baïri et Athmane Mazouz.
Abla Chérif –  Le Soir D’Algérie