C’est une ère d’incertitude et de confusion qui se dessine pour le secteur de l’industrie et particulièrement pour celui de l’automobile.
La lame de fond qui a emporté l’ancien chef du gouvernement, Abdelmadjid Tebboune, sur fond de règlement de comptes, a aussi charrié dans son impétueux sillage trois ministres ayant suscité de profonds remous dans leurs secteurs respectifs. A l’évidence, le programme de l’exécutif sortant, pourtant adopté en Conseil des ministres et par les députés de l’Assemblée nationale, n’a pas été du goût des redoutables manœuvriers de l’ombre qui y voyaient une menace pour leurs intérêts.
Et le changement opéré uniquement et précisément à la tête de trois départements, industrie et mine, commerce et habitat renseigne sur la profondeur et la portée de ce recadrage sans précédent. Des secteurs ouverts depuis plusieurs années aux importations tous azimuts et où se sont constituées des fortunes colossales et qui ont vu émerger du néant des empires avec une plus-value locale insignifiante. Le secteur qui a le plus occupé ces derniers temps le devant de la scène et la une des médias, c’est sans conteste l’industrie automobile, en raison de l’intérêt et la passion qu’elle suscite auprès du grand public.
Le désormais ex-ministre de l’Industrie, Mahdjoub Bedda, s’est particulièrement distingué par des déclarations fracassantes sur l’état des lieux en qualifiant tout simplement «d’importations déguisées» la démarche de son prédécesseur visant à développer une filière mécanique nationale. Il estima en effet que la priorité aura été de «promouvoir une sous-traitance locale dans le domaine de composants et pièces détachées pour voiture», comme préalable à une véritable industrie automobile nationale basée sur la production et le montage plutôt que l’assemblage en SKD tel que pratiqué actuellement par les différentes marques présentes sur le marché.
Poussant encore plus loin la remise en cause du secteur, il opéra un changement dans l’encadrement du ministère qui concerna exclusivement ceux qui étaient en charge du dossier automobile et engagea illico presto une révision du fameux cahier des charges qui organisait les investissements dans le domaine et délimitait les devoirs et obligations des uns et des autres. Dans ses multiples interventions dans la presse, il affichait une détermination à remettre de l’ordre dans le secteur et surtout à dénoncer les augmentations injustifiées des prix des véhicules assemblés localement, et ce, en dépit des exonérations de taxes et d’impôts et d’avantages fiscaux et parafiscaux accordés aux projets d’industrialisation dans le secteur.
Certes, la fulgurance des déclarations et l’importance des réformes mises en branle ont semé le trouble dans le secteur en réduisant encore davantage la visibilité à court et moyen terme, notamment pour les investisseurs étrangers, mais elle a, en revanche, suscité la sympathie et l’adhésion de l’opinion publique.
D’autant que la politique de deux poids, deux mesures, pratiquée avant lui par Bouchouareb, qui avait décidé, rappelons-le, de réorganiser le secteur à travers une redistribution des marques et leur attribution à de nouveaux opérateurs sur la base de critères de clientélisme et de clanisme, a eu des conséquences dramatiques sur l’activité des concessionnaires, dont certains cumulaient plus de 20 année d’exercice et qui ont su acquérir une expérience et une expertise dans le domaine.
C’est la fermeture de dizaines d’entreprises, la perte de plus de 50 000 emplois, la clochardisation de la profession, la raréfaction des produits et l’envolée exponentielle des prix. Avec ce changement gouvernemental, des questions se posent, quel sort sera réservé aux réformes engagées par le ministre partant ? Est-ce le retour massif aux «importations déguisées» ?
Les projets présentés par certains barons de l’import-import et bloqués par l’ancien Premier ministre seront-ils libérés ? La sous-traitance repassera-t-elle dans le tiroir des oubliettes ? La promesse faite aux citoyens de revoir à la baisse les prix des véhicules montés localement sera-t-elle réalisée ? Qu’en sera-t-il des quotas tant attendus aussi bien par les concessionnaires que par les clients et à chaque fois reportés aux calendes grecques ? Attendons les prochaines semaines, voire la prochaine rentrée sociale pour percevoir les grandes lignes de la démarche de ce nouveau ministre dans ce secteur.
B. Bellil le Soir d’Algérie